mardi 19 février 2008

Réorganisons la pêche...

Le mauvais placement public, la lourdeur administrative, le défaut de connaissance du terrain ont conduit au drame de notre scène actuelle : la colère (Acte 1 : Le Guilvinec en grève et en crise) et le désenchantement (Acte 2 : le plullulement de structures, l’illégimité et la perte de repères).

Le mauvais placement public

L’administration française refuse de procéder à une analyse des secteurs économiques viables de la pêche de son territoire. Le manque de lien économique entre notre flotte avec notre littoral et nos richesses biologiques montre le refus pertinent d’orienter la filière pêche vers un avenir serein et viable. Il y a une quarantaine d’années, nous n’aurions pas dû nous inspirer des modèles de l’évolution des pêches des pays anglosaxons : nos côtes nous permettaient toujours de pratiquer une pêche artisanale dont la production est à forte valeur ajoutée et de qualité supérieure. Les fonds publics ont été utilisés pour la construction de maginifiques navires jetant modernité et technicité à notre filière pêche, et… gros sous pour certains armateurs. Dans l’espoir d’assurer une activité de pêche autosuffisante à notre territoire, ce choix fut le premier épisode d’une longue convalescence du secteur voué à l’injection permanente de fonds publics. L’intervention étatique devient chirurgicale pour assurer le maintien des gros armements capitalistiques. Le cercle vicieux dans lequel s’est embourbé le cours des fonds publics apparaît, lui, sans fonds…

Si aujourd’hui la DPMA[1] s’engageait, avec sérieux, dans un audit économique, social et financier du secteur, elle saurait les orientations durables qui assureraient une restructuration pérenne du secteur. Seulement les ports aux tonnages importants et détenant une grosse partie des quotas viennent entraver toute perspective de réaménagement rationnel. Les détenteurs de gros sous persistent à tenir les rennes d’une diligence volée qui finira par voler en éclats au passage de la prochaine rivière. Les solutions d’avenir demeurent bouclées dans un coffre-fort au code oublié : pêche tourisme, auberges de la mer, perspectives de complémentarité acquaculture et pêche, réflexion par filières…

La lourdeur administrative

Deux chiffres appellent à soulever un dysfonctionnement des rouages administratifs : la France a réussi (péniblement) à obtenir du FEP[2] 216 millions d’euros et le gouvernement a récemment réussi (vaillament) à créer un nouveau fonds de crise dégageant 310 millions d’euros. En trois mois, quelques réunions et sûrement quelques ramettes de papier, nos fonctionnaires administratifs ont pu offrir à la pêche française une enveloppe de fonds publics 50% plus importante que celle négociée auprès de l’Union Européenne en plusieurs années. Nous pouvons déplorer avec expérience l’énergie perdue à négocier et rédiger le Plan Statégique National et le Programme d’Orientation, des copies lourdes à rendre à la Commission Européenne pour une poignée d’euros du FEP. Nous ne cherchons pas à remettre en cause l’Union Européenne, néanmoins, nous voulons souligner la charge administrative et financière qui nous empoisonne à petit feu. Un manque de méthode ? Un manque d’efficacité liée à la culture travail des fonctionnaires ? Les administrations communautaires et nationales doivent se remettre en cause.

Un défaut de connaissance du terrain

L’Union Européenne et le gouvernement sont trop loin, leurs fonctionnaires ne connaissent pas ni la pêche, ni les pêcheurs, ni la ressource. Par simplicité de gestion, les démarches de regroupement des armements, les démarches de soutien envers les pêches monospécifiques ont abouti à une non reconnaissance des diversités des pratiques de pêche. Cette lacune fait cruellement défaut aujourd’hui qu’il faut se retrousser sérieusement les manches pour proposer des solutions de pérennisation. Pourtant la diversité des métiers et l’existence de la petite pêche côtière génèrent une vivacité du secteur : construction de petits navires, entretien naval, divers matériels de pêche, travail et emploi, valeur et prix de la production. La petite pêche côtière est le segment de pêche qui pèse le plus lourd dans toutes ces balances.

Où en est l’analyse du rapport des scientifiques communautaires sur la petite pêche côtière ? Quelle portée lui attribuer ? De notre côté, nous assurons lui souhaiter une portée longue et vigoureuse.

Le drame de notre scène actuelle : colère (Acte 1) et désenchantement (Acte 2)

Tous ces mots pour exposer notre incompréhension face à la tournure de la réorganisation de la pêche. Ni les structures, ni ceux qui crient fort pour une place de nouveau Président, ni le gouvernement, ni la Commission Européenne ne cherchent à ordonner le capharnaum dans lequel nos navires de pêche pataugent. La querelle de phares et capitaineries au sein de notre profession fait mal au cœur. Nos différentes pêches se désolidarisent, nos marins se désepèrent, notre ressource dégénère… Comment nous en sortir ?



[1] DPMA : Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture

[2] FEP : Fonds Européen pour la Pêche (programme européen dédié au secteur pêche pour la période 2007-2013)

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